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Matthieu Heslouin : « L’industrie doit briller, être incarnée »

Plus de 1000 industriels sont attendus ce mercredi 12 mars à Jour Bleu. Cette journée immersive est organisée au cœur de l’événement Global Industrie, à Eurexpo Lyon. Matthieu Heslouin, directeur exécutif en charge de l’activité d’Accompagnement à Bpifrance sera présent lors de ce temps Bleu. Il revient pour La French Fab sur l’importance de soutenir l’industrie française et ses forces vives, les entreprises.

Présidée par Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la 7e édition de l’événement Global Industrie a débuté mardi 11 mars. Pour marquer l’événement et célébrer l’industrie et ses acteurs, La French Fab a lancé la première édition de Jour Bleu, qui se tient ce mercredi 12 mars au cœur du salon industriel. Au programme de ce moment Bleu : des interventions de top speakers autour de l’avenir de l’industrie, des conférences métiers tenues par des experts Bpifrance, une exposition de startups industrielles… A cette occasion, Matthieu Heslouin, directeur exécutif chargé de l’activité Accompagnement au sein de Bpifrance partagera aux côtés de dirigeants industriels sa vision de l’industrie de demain. Interview.

LA FRENCH FAB : Qu’est-ce qui fait la force d’un temps fort comme Global Industrie et qu’attendez-vous de cette 7e édition ?   

MATTHIEU HESLOUIN : Dans un moment où nous avons besoin d’unité, j’attends de cet événement qu’il révèle une industrie française vibrante, dynamique. A travers Global Industrie, l’idée est aussi d’avoir en France un événement industriel majeur, qui sera peut-être dans quelques années le rendez-vous de l’industrie le plus important d’Europe. Nous avons historiquement incarné et fait rêver pendant des années avec la French Tech. Il faut que nous puissions aujourd’hui incarner et faire rêver avec La French Fab. Je suis vraiment très pressé de participer à cette 7e édition notamment de passer du Coq Rouge qui est mon coq historique puisque j’ai connu le lancement de la French Tech au Coq Bleu. J’étais moimême dans la French Tech en tant qu’ancien entrepreneur. Maintenant, j’essaye de soutenir et de faire en sorte que le Coq Bleu soit au moins une aussi grande réussite que le Coq Rouge, pour les prochaines années à venir. Et au final, les deux sont liés car pas de réindustrialisation massive sans technologie. 

LA FRENCH FAB : Vous intervenez sur la Grande Scène le 12 mars pour animer une conférence intitulée « Se transformer pour gagner, l’indispensable accompagnement ». Dans un contexte de réindustrialisation, comment aider les entreprises industrielles à se transformer tout en gardant leur identité ? 

MATTHIEU HESLOUIN : Savoir comment on accélère, comment on se transforme en industrie 4.0, comment on exporte n’est pas qu’une question de financements, c’est aussi un enjeu culturel. Pour mettre en place des processus d’innovation il faut recruter les bonnes personnes, constituer la bonne équipe, se former. L’activité d’accompagnement de Bpifrance conseille les entreprises dans cette démarche, les aide à atteindre une maturité industrielle. Aujourd’hui, l’industrie française a besoin de s’exporter, c’est un élément fondamental. L’accompagnement à apporter à ces différentes sociétés sur le sujet est essentiel car celles-ci ne sont pas confrontées aux mêmes enjeux de développement que ceux du pays national. Des critères de droit, de logistique, de qualité, de normes doivent être pris en compte. Les entreprises doivent apprendre à s’adapter et à mieux s’organiser.

4000 entreprises industrielles accompagnées par Bpifrance en 2024

LA FRENCH FAB : En dix ans, Bpifrance a accompagné plus de 5000 PME et ETI. Quelle est la proportion d’entreprises industrielles comprises dans ce bilan chiffré ? 

MATTHIEU HESLOUIN : Il faut savoir que la proportion n’a pas arrêté d’augmenter. En 2024, elle a été de 60 %. Le métier Accompagnement est celui qui a la plus grosse empreinte industrielle. Nous sommes intervenus pour environ 4000 boîtes industrielles sur différents aspects : accélérateurs, conseil, diagnostic…  

LA FRENCH FAB : Quels sont les principaux atouts de l’industrie française ? 

MATTHIEU HESLOUIN : L’industrie française est très diversifiée. Elle regorge de talents dans de nombreux domaines. Nous sommes historiquement compétents dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique, le nucléaire, l’agroalimentaire. Nous avons de grandes écoles d’ingénieurs, une formation professionnelle qui s’est redéveloppée ces dernières années, notamment grâce à l’apprentissage. Nous comptons aussi de très bonnes infrastructures de transport qu’elles soient ferroviaires, routières, aériennes versus le reste de l’Europe. Enfin, depuis le redémarrage des centrales, le pays possède une électricité décarbonée, abondante, et cela est aussi très important pour le développement de l’industrie.  

« Il doit y avoir un réflexe national d’acheter français  »

LA FRENCH FAB : Malgré ces avantages, l’industrie française peine à se positionner au regard de certains pays d’Europe… 

MATHIEU HESLOUIN : L’industrie a du mal à se positionner car elle a vécu quarante ans de désindustrialisation. Donc la filière est devenue de plus en plus faible dans le PIB français. Depuis quelques années, on assiste à un redémarrage, un redéploiement de l’industrie. Le point névralgique a été la crise de la Covid, qui a en quelque sorte révélé à la population française les conséquences de la désindustrialisation. A partir de là, il y a eu un appel massif, une convergence sur la nécessité absolue de réindustrialiser pour le bien de la souveraineté nationale.

LA FRENCH FAB : De quoi ont besoin les entrepreneurs industriels ?  

MATTHIEU HESLOUIN : Le principal enjeu aujourd’hui est celui de l’attractivité, du recrutement de talents pour la filière industrielle. Je le répète, il faut qu’on fasse rêver avec La French Fab. Autres enjeux : l’investissement et la commande publique. Il doit y avoir un réflexe national d’acheter français. Les Allemands achètent allemand, les Italiens achètent italien alors que dans l’industrie française et dans la population française, ce n’est pas vraiment le cas. Nous devons nous interroger : « Que voulons-nous ? ». L’industrie a aussi besoin d’innover, de se moderniser. Notre modèle social coûte plus cher à l’industrie, il nous faut forcément faire des gains de productivité, automatiser etc. Enfin, si on veut être compétitif, il faut simplifier la filière industrielle en arrêtant par exemple cette inflation des normes administratives.  

Avoir des héroïnes et des héros dans l’industrie

LA FRENCH FAB : La French Fab lance ce mercredi 12 mars la première édition de Jour Bleu. Le but de l’événement est d’« imaginer et façonner un nouveau visage pour l’industrie française ». Comment réimagineriez-vous l’industrie ? 

MATTHIEU HESLOUIN : Réimaginer l’industrie c’est avoir des héroïnes et des héros qui incarnent de belles histoires dans l’industrie. Cela, nous avons réussi à le faire avec La French Tech. A mes yeux, c’est un parallèle extrêmement intéressant. Il faut qu’on réussisse à raconter des histoires d’entrepreneures et d’entrepreneurs qui ont réussi, qui sont parvenus à tisser de belles aventures entrepreneuriales. Nous devons parler de ces patrons de PME industrielles afin de donner envie aux Françaises et aux Français de venir dans l’industrie, inciter les jeunes – femmes notamment – à mieux la découvrir. Cela, nous avons commencé à le faire avec La French Fab et le Tour de France de nos industries. Nous devons incarner la filière par des hommes et des femmes qu’on admire, par des sites industriels aussi, qui sont écologiques, qui sont conviviaux.  Il faut que l’industrie soit incarnée, qu’elle brille.  

 

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