Créer une filière complète autour de l’hydrogène, l’ambition de Pragma Industries
Créée en 2004, Pragma Industries s’est imposée comme un spécialiste de la pile à hydrogène. Forte de près de vingt années d’expérience, l’entreprise compte bien jouer un rôle clé dans la transition énergétique et l’adoption des mobilités douces. Entretien avec Pierre Forté, fondateur Pragma Industries.
A première vue, on pourrait prendre l’entreprise basque pour un fabricant de vélo. Il n’en est rien, ou presque. L’équipementier spécialisé dans la pile à hydrogène cherche à faciliter son adoption dans les mobilités douces et choisit pour cela de convaincre par la preuve. Au-delà du vélo, Pierre Forté, fondateur de Pragma Industries, ambitionne de décarboner les déplacements en ville et une utilisation plus efficace des énergies renouvelables. Il nous en dit plus.
La French Fab : On a plutôt l’habitude de voir les batteries à hydrogène sur des bus et des poids lourds : pourquoi avez-vous choisi d’équiper des vélos ?
Pierre Forté : La décarbonation des transports est cruciale pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Evidemment, on pense tout de suite à l’avion, pourtant les déplacements que nous effectuons dans un rayon de moins de 5 kilomètres représentent un quart des émissions des transports. Soit autant que les émissions du fret routier français. Il y a donc un réel levier d’action pour réduire les émissions dans les déplacements courts, d’où notre idée de fabriquer un vélo qui fonctionnerait avec nos piles à combustible hydrogène – notre cœur de métier depuis 20 ans. Un moyen de démontrer la validité du concept et de convaincre le plus grand nombre. Nous avons commencé avec le vélo, que nous avons fabriqué nous-mêmes, et nous allons bientôt sortir un triporteur et un scooter à hydrogène, cette fois fabriqués en partenariat avec des entreprises françaises.
LFF : Décarboner les transports est déjà possible avec les batteries électriques, pourquoi vouloir passer à l’hydrogène ?
PF : L’hydrogène est une énergie secondaire, contrairement au solaire par exemple, qui est une énergie primaire. En réalité, l’hydrogène est avant tout une forme de stockage d’une autre énergie, qui peut elle-même être renouvelable. L’hydrogène facilite ainsi sa consommation et sa conservation.
Il existe également des problèmes inhérents à la batterie électrique : son poids et son temps de charge. Des problèmes que vient justement résoudre l’hydrogène. Un réservoir d’hydrogène de poids lourd se charge en 15 minutes environ. Le réservoir de nos vélos se charge en 2 minutes et le plein offre entre 3 semaines et un mois d’autonomie pour une utilisation en ville.
LFF : Et ce ne sont pas les seuls avantages de l’hydrogène ?
PF : A ces commodités d’usage s’ajoute un autre atout, primordial à mes yeux : à condition d’utiliser de l’hydrogène vert, la pile à hydrogène est réellement une solution propre, plus propre que les batteries électriques. Il faut en effet 1 000 fois plus de matières premières critiques pour fabriquer une batterie électrique qu’une pile à hydrogène. Imaginez aussi ce que ça implique en termes de recyclage, quand on sait qu’il y a déjà 40 millions de vélos et près de 20 millions de scooters électriques vendus dans le monde chaque année, et que ce marché croît de 10 % par an.
LFF : Alors pourquoi ne sommes-nous pas tous sur un vélo à hydrogène ?
PF : Il ne faut pas se leurrer, les arguments écologiques ne suffisent pas à changer les pratiques. Il faut faire la preuve par l’usage, c’est exactement pour cela que nous avons fabriqué notre propre vélo. Au départ, nous n’avions qu’une pile à hydrogène, puis nous avons conçu tout le système nécessaire à son utilisation sur un vélo. Est ensuite apparu un autre problème : comment permettre le rechargement du réservoir d’hydrogène ? Nous avons donc décidé de nous attaquer à la question de la production et de la distribution d’hydrogène. Ce n’est pas aux collectivités locales ou à l’impôt de financer les bornes de charge, nous avons simplement besoin de l’autorisation des collectivités locales pour les installer. Nous nous déployons par périmètre urbain, pour faciliter l’utilisation des vélos à hydrogène au sein d’un même lieu. Nous allons très bientôt déployer un maillage de bornes à hydrogène dans plusieurs villes, comme Bordeaux, Toulouse, la banlieue ouest de Paris, Montpellier…
LFF : Et ce n’est pas trop cher pour l’utilisateur ?
PF : Si vous voulez rouler avec un de nos vélos, ce n’est pas compliqué : nous proposons un abonnement à partir de 79 € par mois, qui inclut le vélo, l’entretien, l’hydrogène illimité et l’assurance. A la reprise du vélo, nous prenons en compte sa valeur résiduelle et nous recyclons tout le système électro-hydrogène. Cette circularité me semble essentielle pour préserver le caractère durable de l’hydrogène. C’est aussi un moyen de développer une filière complète autour de l’hydrogène, filière capable de créer de l’emploi et de contribuer à notre indépendance énergétique – notamment face à la Chine qui domine déjà dans le solaire et les batteries. Un secteur très prometteur donc, à condition d’y mettre les investissements et les compétences nécessaires.
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