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Transition écologique et énergétique dans l’industrie : enjeux, état des lieux, méthodes

Objectif neutralité carbone en 2050 pour la France et les pays signataires de l’accord de Paris. Parce qu’elle est le quatrième secteur le plus émetteur de gaz à effets de serre, mais aussi l’un des principaux acteurs du changement, l’industrie a tout intérêt à accélérer sa transition écologique et énergétique (TEE). Et c’est ce qu’elle fait.

Accord de Paris, plan d’accélération de la transition écologique des TPE et PME initié par le ministère de la Transition Ecologique et solidaire, Bpifrance et l’ADEME, plan climat de Bpifrance et la Banque des Territoires, France Relance… Les entreprises passent au vert, portées par les acteurs de l’économie française et de la TEE. Parmi elles, les entreprises du Coq Bleu, qui derrière leur quatrième place au rang des émetteurs de gaz à effets de serre cachent de multiples initiatives vertes. Des initiatives qui, si elles se multiplient depuis l’arrivée de la Covid-19, n’ont pas attendu la crise pour s’emparer des usines françaises. Où en est la TEE dans l’industrie aujourd’hui ? Quels en sont les enjeux et les freins ? Comment l’accélérer ? Décryptage.

L’industrie en retard, vrai ou faux ?

18%. C’est le pourcentage de gaz à effets de serre rejetés par l’industrie manufacturière en France. Un nombre qui, s’il est élevé, ne fait pas forcément des entreprises du Coq Bleu les mauvaises élèves de la transition écologique et énergétique bleu-blanc-rouge. « J’ai du mal à comprendre cette notion de retard, qu’on associe à l’industrie en termes de TEE. S’il s’agit de la comparer à d’autres secteurs, elle est moins émettrice que ceux de la construction, de l’agriculture ou du transport. Si l’on parle d’activité, la France s’étant désindustrialisée depuis les années 80, l’importation de produits fabriqués à l’étranger – qui implique le transport, le stockage et bien d’autres étapes – entraine des émissions bien plus importantes que celles produites sur le territoire », analyse Sylvain Nony Davadie, expert industrie dans le cabinet spécialiste de la TEE Enea consulting. Il existerait ainsi une différence entre le discours et la tendance, dont il constate au quotidien qu’elle prend une couleur positive. Du moins dans les têtes des dirigeants.

D’après une étude Bpifrance Le Lab de 2020 (« Les dirigeants de PME-ETI face à l’urgence climatique »), 80% des dirigeants interrogés considèrent que le changement climatique appelle à une réaction d’urgence, et 86% se sentent concernés par les objectifs mondiaux de baisse des émissions carbone. Des chiffres liés à la qualité de citoyens des répondants plus qu’à celle de chefs d’entreprise, ces derniers n’étant que 13% à indiquer avoir prévu de réduire leurs émissions de façon importante dans les cinq prochaines années. « Malgré la prise de conscience, peu de dirigeants ont mis en place des actions concrètes pour réduire leur impact carbone. Ça montre qu’il y a une volonté d’agir, mais que les chefs d’entreprise ne savent pas comment s’emparer du sujet », constate Constance Legallais, chargée de mission en charge du déploiement du Plan Climat chez Bpifrance. Ne savent pas, ou ne considèrent pas avoir toutes les cartes en main ou conscience de l’intérêt d’une telle démarche.

Casser les idées reçues sur les financements et l’absence de solutions

D’après la même étude, trois facteurs viennent freiner la prise d’initiative des dirigeants. En première position vient le manque de moyens financiers. Pour Carolina Guzman, fondatrice de la société Atenea Environnement (bureau d’études d’ingénierie proposant des solutions technologiques durables aux industriels et collectivités), il n’est pas tant question d’une rareté des dispositifs financiers proposés que d’un manque de communication et, a fortiori, de connaissances des industriels : « Beaucoup de petites et moyennes entreprises n’ont pas connaissance de l’existence des subventions qui existent, notamment au niveau régional. La communication des acteurs financiers de la TEE est fondamentale ». Plus encore, il faut également casser les idées reçues concernant les investissements liés à la mise en place de solutions vertes. D’abord parce que la transition peut commencer avec de petits gestes. « Tout le monde peut faire des économies d’énergie et verdir son activité : mieux gérer ses déchets, changer ses ampoules, réduire les déplacements, digitaliser l’information, supprimer le papier sont tant de petites actions qui contribuent à la transition écologique et énergétique de l’industrie », explique Carolina Guzman. Et lorsqu’il s’agit d’aller plus loin, Sylvain Nony Davadie l’affirme « les investissements peuvent être lourds au départ, mais si la stratégie est finement construite et la vision long-termiste, c’est possible. Il faut avoir une certaine projection. Ça demande du temps, de l’énergie, de l’argent, certes, mais aujourd’hui il y a beaucoup d’aides, de la part des bureaux d’études, d’associations, de l’ADEME, de Bpifrance… ». Plus encore, l’expert conseille d’aller vite : « Plus on attend, plus les investissements seront chers. Le coût de la transition va croître avec le temps.« . Trois règles en somme : demander conseil, s’informer, se faire accompagner stratégiquement et financièrement, et ce rapidement.

Le second frein tient quant à lui à « l’absence de technologies » développées en France, ou au manque de connaissance quant aux solutions existantes. Un frein d’autant plus important que 71% des dirigeants estimant pouvoir réduire leurs émissions carbone ont déclaré vouloir le faire en investissant dans les nouvelles technologies. La TEE étant étroitement liée à la transformation numérique, il faut, outre multiplier les points de contacts entre offreurs de solutions et industriels (comme le fait la plateforme Tech in Fab), porter les startups dont l’activité consiste à accompagner les entreprises dans le verdissement de leur production. Telle est l’ambition, entre autres, du Plan Climat de Bpifrance, dont le premier pilier consiste en l’accompagnement accru des offreurs. « Nous allons amplifier les financements mis à disposition des producteurs d’énergie décarbonnée, et accompagner les greentech et porteurs d’innovations dans le déploiement de leurs projets », explique Constance Legallais. D’une pierre, deux coups : plus il y aura de solutions vertes existantes, plus les dirigeants auront de choix et de possibilités pour gérer leur transition écologique et énergétique. Pour le bien de la planète, pour leur compétitivité, mais aussi pour leur image.

La croissance et la compétitivité des entreprises en jeu

L’image qu’ils renvoient à leurs clients directs comme aux consommateurs. Troisième frein relevé par l’étude : le manque de reconnaissance client. « Les entreprises qui investissent lourdement pour se décarboner ou pour leur transition n’en perçoivent pas toujours à court terme les impacts, notamment sur leur chiffre d’affaires et la satisfaction client. Le temps du ROI de la transition est un temps long », confirme Constance Legallais. Cette reconnaissance pourrait pourtant bien faire partie des moteurs de la TEE. Guillaume Rochman, CEO de l’entreprise Sofrapack qui propose depuis 2005 de remplacer les caisses en bois dédiées au transport d’objets industriels et domestiques par des caisses en carton l’a lui-même constaté. « Avant, les industriels n’utilisaient pas de produits écologiques, parce qu’il y avait moins de solutions, et parce que ça ne posait aucun problème à leurs clients. Ça change doucement, et les gens qui aujourd’hui sont plus enclins à utiliser nos caisses le font aussi parce qu’ils veulent faire valoir ce choix plus vert auprès de leurs partenaires », constate-t-il. Et dans le jeu de l’œuf ou la poule, le consommateur final est celui qui tient les rênes. Outre les diverses politiques réglementaires et environnementales contraignant certains pans de leurs activités, les industriels font petit à petit face à une obligation business largement liée aux nouveaux comportements.

« Lorsqu’un consommateur achète un bien ou un service, il achète aussi les émissions issues de leur fabrication, donc en réduisant les émissions de l’industrie, on réduit celles de tous les utilisateurs finaux. Si les gens sont prêts à payer un produit plus cher parce qu’il a été fabriqué d’une façon respectueuse de l’environnement, l’industrie, qui a tendance à suivre les modes, va prendre le pli. », détaille Sylvain Nony Davadie. En cela, il n’est pas seulement question d’apparences. « La TEE est une question de survie pour les entreprises qui devront s’adapter et s’équiper pour répondre aux exigences d’un marché de plus en plus durable à l’avenir », affirme Carolina Guzman. Nous évoluons avec des citoyens qui pensent quotidiennement et de plus en plus à leur propre transition écologique et énergétique. Il s’agit autant de ne pas rester derrière que de monter en termes de croissance, les consommateurs se tournant vers les entreprises conscientisées ». Guillaume Rochman l’a remarqué, les industriels ont bel et bien commencé à suivre la tendance. « Avant, quand on parlait aux industriels de nos caisses en carton, ils nous regardaient avec de grands yeux ronds. Globalement aujourd’hui, et encore plus depuis deux ans, ils ont tendance à nous écouter et à vouloir changer leurs habitudes ». Sylvain Nony Davadie, qui accompagne quant à lui les entreprises du Coq Bleu dans leur TEE confirme : « Je constate qu’il y a une très nette accélération du nombre de feuilles de routes « neutralité carbone » au sein de la partie industrie de mon cabinet de conseil. Avant c’était à nous d’aller chercher les entreprises, aujourd’hui et ce depuis quelques années, ce sont elles qui viennent nous voir », affirme-t-il.

Ainsi, quelles qu’en soient les raisons (image, croissance, conscience, tendance), la transition écologique et énergétique des entreprises industrielles est belle est bien en cours et s’accélère depuis la crise sanitaire. Avec la Covid-19, l’ouverture d’aides destinées à accompagner les entreprises se sont elles-mêmes multipliées, portées par la motivation du Gouvernement et de France Relance. Plus que jamais, il est temps de saisir les opportunités.

4 intervenants, 4 conseils :

Sylvain Nony Davadie : « Il faut vraiment évaluer très finement ses besoins en amont et prendre le temps d’analyser et de comparer les solutions mises à disposition. La TEE, c’est du cas par cas, les solutions ne sont pas « standards », elles répondent à des besoins ciblés. »

Constance Legallais : « Il faut s’informer et se former de façon active, et s’appuyer sur l’ensemble des dispositifs d’accompagnement mis à disposition des entreprises. Aussi, avant d’engager toute action, réaliser un premier bilan carbone pour savoir d’où l’on part, et où on veut aller. »

Carolina Guzman : « Il ne faut surtout pas attendre le dernier moment pour engager sa transition. Il faut commencer dès maintenant, avec de petites actions, et ne pas avoir peur d’investir ensuite. Il ne faut pas oublier que ces investissements seront aussi profitables à long terme pour la planète que pour le business des entreprises. »

Guillaume Rochman : « En tant qu’entrepreneur, il faut accepter de prendre des risques et de changer ses habitudes. Les alternatives plus vertes existent, il ne faut pas en avoir peur et saisir les opportunités. »

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