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Roland Jourdain, Kaïros : « Mon activité de skippeur m’a fait prendre conscience des enjeux environnementaux »

Navigateur au palmarès bien rempli, Roland Jourdain est aujourd’hui à la tête de Kaïros, une entreprise aux multiples facettes mêlant gestion de projets de courses au large et bureau d’études dédié aux matériaux composites.

« Au démarrage, il n’y avait pas d’intention de créer un modèle économique. Je me suis laissé porter par la curiosité de découvrir quelque chose de nouveau, et par mes engagements. ». Les engagements de Roland Jourdain sont verts, et bercés par sa vie de skipper. Une carrière en partie construite sur le goût des grands espaces et de la nature, qu’il voit aujourd’hui souffrir sous le poids des activités humaines. « Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire. Je savais que si on n’était pas quelques-uns à s’y mettre pour changer les choses et montrer l’exemple, il y aurait des dégâts ».

De la course au large aux bio-matériaux

Pour changer les choses, Roland Jourdain s’est lancé dans un projet concret. Créée en 2007 à Concarneau, la société Kaïros Sailing, qui avait au départ pour dessein de gérer des projets sportifs de voile, a pris une toute autre dimension en 2009. Accompagné de Sophie Vercelletto, juriste de formation, Directrice Générale du Vendée Globe entre 2004 et 2009, skippeuse à terre à ses côtés, l’entrepreneur a rapidement décidé d’intégrer un objectif de protection de l’environnement à son activité. « Dans les années 2000, je ne me sentais plus si bien dans mes bottes de coureur. J’ai observé la planète, mon terrain de jeu, comme j’observais mes bateaux : les ressources dans les cales diminuent alors que l’équipage augmente. Il y a un problème dans l’équation. ». Après avoir réalisé le bilan carbone de leur activité de sailing, Roland Jourdain et Sophie Vercelletto accélèrent leur transformation et explorent de nouvelles voies, en s’intéressant aux matériaux biosourcés. Malgré leurs accointances évidentes avec l’industrie nautique, les deux entrepreneurs décident d’ouvrir cette nouvelle activité au domaine terrestre, pour deux raisons. La première, pratique, tient au fait que les grands volumes de composites ne sont pas spécialement un besoin pour la course au large. La deuxième, culturelle, s’attache au retard de l’industrie nautique, peu encline à prendre le virage des biomatériaux.

En 2012, Roland Jourdain, crée son propre bureau d’étude “Kaïros Environnement”. Si les premières activités de l’entreprise étaient déjà liées à cette volonté de mêler performances et préservation de la planète, c’est sur les bio-matériaux que Roland Jourdain a décidé de se focaliser. Un chemin, si ce n’est évident, plutôt logique pour le navigateur, qui dans sa carrière de sportif a naturellement touché du doigt la composition de ses bateaux. « Les voiles en lin, les cordages en chanvre… Tous ces objets ont fait naviguer des milliers de bateaux et fait la fortune de certains territoires comme l’ouest de la France. Je me suis dit qu’avec les techniques d’aujourd’hui et cette nature qui nous tend les bras, il était possible d’aller plus loin. ».

Elargir son domaine d’activité tout en gardant sa quête de sens

Roland Jourdain et Sophie Vercelletto se sont ainsi concentrés sur les matériaux issus de la biomasse et du végétal pour les transformer en composites biosourcés. Le passage de coureur au large à celui d’entrepreneur s’est fait naturellement pour le dirigeant qui admet néanmoins que seul, il n’aurait pas pu aller aussi loin. Curieux, motivé, il pose des questions, s’entoure d’experts, et peu à peu, construit un véritable business model. Derrière lui, « un terreau favorable » : l’Université de Bretagne sud et l’Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer), entre autres, l’accompagnent sur ses différentes problématiques de recherche. Mais plus qu’un bureau d’études, Kaïros Environnement est aujourd’hui un créateur, un prototypeur et un semi-industriel, qui face aux réticences de l’industrie nautique, s’est ouvert à d’autres marchés. Une nouvelle ambition notamment portée par des rencontres, comme celle qui a réuni Kaïros et Clarins.

Le laboratoire de cosmétiques a missionné Kaïros pour une mission toute particulière : remplacer les substances pétro-sourcées qui composent les billes des produits exfoliants en billes respectueuses de l’environnement. « On a commencé à travailler sur des sujets extrêmement éloignés des problématiques de course au large. Le challenge est étonnant et passionnant ». Et surtout, comme les autres, il répond à la quête de sens que Roland Jourdain et Sophie Vercelletto poursuivent dans le cadre de leur travail : « Evidemment qu’il faut gagner de l’argent, on doit faire perdurer notre entreprise, rendre heureux nos salariés, mais nous tenons toujours à travailler pour cette cause environnementale qui nous tire en avant ».

A côté de ce projet (et d’autres en pleine phase de R&D), Kaïros Environnement a également créé une gamme de panneaux biosourcés pour la production de mobilier éphémère, le Kairlin©. Prochaine étape : l’industrialisation à grande échelle de la gamme. Une ambition que la crise n’a pas ôtée de l’esprit de Roland Jourdain et son équipe : « Pour connaitre la vie en mer, rien ne se passe jamais comme prévu. On garde notre passion intacte et on y croit. ».

 

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