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Vincent Despatin, Kickmaker : « il faut ajouter de la fougue au milieu industriel français »

Créé en 2016, Kickmaker accompagne startups, PME et grands groupes dans le développement et le processus d’industrialisation de leurs produits high-tech. Une activité portée par une volonté de faire bouger les lignes du marché traditionnel, pour mieux dessiner les contours de l’industrie “nouvelle génération”.  

Dans le grand loft qui accueille les ingénieurs de l’entreprise dans le 15ème arrondissement de Paris, l’industrie imprègne l’ambiance sans velléité décorative. L’espace est grand, gris, brut, à l’image de la micro-usine bien cachée au fond de l’open-space. Derrière la porte, les bureaux et écrans laissent place aux plans de travail, étagères mobiles et outils en tout genre, entre autres objets finis ou en cours de fabrication.

Chez Kickmaker, les clients sont accompagnés sur le développement de leurs idées, mais pas que. L’entreprise fabrique également des prototypes en petites séries, qui permettent d’anticiper l’industrialisation massive des produits. « Les boites de conseil se focalisent généralement sur des questions très en amont d’idéation et d’innovation et s’arrêtent avant la case usine », constate Vincent Despatin, cofondateur de l’entreprise avec Eric Elmlas. Chez Kickmaker, on va plus loin.

Réunir les forces de l’industrie traditionnelle et nouvelle génération

« La France a une industrie traditionnelle de pointe (automobile, aéronautique, énergie…) pour laquelle elle drive une partie de l’innovation, des méthodes et procédés qui leadent le marché. Par contre, il y a une demande de support dans l’industrialisation des produits de « l’innovation nouvelle génération », explique Vincent Despatin. Entièrement dévoué au high-tech (robots, drones, objets connectés…), Kickmaker supervise la conception et l’industrialisation d’objets qui, par essence, nécessitent l’intervention de compétences spécifiques en amont comme en aval.

Mais pour pouvoir répondre aux problématiques de conception et d’industrialisation de ces produits d’innovation nouvelle génération, les industriels traditionnels français doivent jouer la carte de l’adaptation : “aujourd’hui, la fabrication des produits high-tech est encore majoritairement traitée par des sociétés étrangères, essentiellement asiatiques, à travers des lignes de fabrication et d’assemblage très manuelles.

Initier un réel changement est nécessaire pour réduire ce décalage qui s’explique, selon Vincent Despatin, par un certain état d’esprit bleu-blanc-rouge. Quand une partie de l’industrie française se repose sur ses acquis (forte commande publique, réputation, contrats militaires, automobiles ou aéronautiques très importants en volume…), l’autre, elle, joue selon lui la carte du refus. « Par nature les Français sont des gens qui répondent plus facilement « non » lorsqu’on leur demande si c’est possible. C’est ancré dans notre culture. Je l’oppose très facilement au « oui oui » chinois, qui n’acte pas forcément grand-chose mais qui, au prime abord, facilite le dialogue ». La solution, trouver de nouvelles méthodes de travail qui permettraient de servir l’industrie nouvelle génération. Nulle question ici d’opposer le passé et l’avenir, il s’agit de faire des deux des alliés et de mêler leurs forces. « Il faut prendre le meilleur des deux mondes : s’appuyer sur notre savoir-faire traditionnel qui a une valeur énorme, et y ajouter la fougue et l’innovation des nouvelles technologies, de la digitalisation et de l’intelligence artificielle. Ce saut technologique permettra une vraie agilité dans la production ».

Derrière ces constats se révèle une envie de faire mieux, au travers de trois missions : accompagner les porteurs de projets hardware (partie physique des objets) autour de l’innovation nouvelle génération, travailler avec les partenaires et clients sur les modèles de demain et éduquer les jeunes ingénieurs pour leur faire prendre conscience de la réalité de la production industrielle. Des objectifs qui nécessitent de maîtriser la balance des ambitions, des moyens… Et des enjeux de l’industrie de demain.

Eco-conception, relocalisation : guider sans contraindre

Chez Kickmaker, on accompagne, on guide, et on opte pour des solutions plus propres, plus locales… lorsque le cahier des charges des projets le permet. « Il n’y a pas de bonne formule. On adapte notre stratégie et nos conseils en fonction des moyens, des deadlines, et de l’ambition des clients ». L’éco-conception et le made in France, au cœur des ambitions du gouvernement et de France Relance pour l’industrie du futur, ne sont pas des contraintes systématiques. Si les clients le veulent et le peuvent, « on saisit l’occasion et on analyse la faisabilité ».

Côté éco-conception, en se spécialisant dans la tech, Vincent Despatin et son associé se sont attaqués à l’une des industries les plus polluantes du monde. Le défi est grand, les moyens nombreux, il faudra du temps. Encore une fois, si Kickmaker tente quotidiennement de mettre sa pierre à l’édifice d’une high-tech plus verte en guidant techniquement ses clients, ses équipes ne pourront rien faire sans un changement de comportement des consommateurs et, pourquoi pas, « une régulation des gouvernements pour interdire certaines pratiques industrielles qui poussent à la surconsommation ou à la surproduction de biens et de services qui ne sont pas forcément vitaux ». Vincent Despatin reste confiant : « ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à avoir un impact 0 qu’on ne peut pas parvenir à faire mieux. »

Si le verdissement de l’industrie a pris une importance capitale suite aux crises sanitaire et économique, la relocalisation est également de toutes les discussions. Encore une fois ici, le co-fondateur aimerait guider ses clients vers une production française ou européenne, mais les usines de production high-tech se font rares. Raison pour laquelle, tout en souhaitant privilégier les lignes bleu-blanc-rouge, Kickmaker supervise un grand nombre de productions en Asie. Reste des essais transformés, comme celui de la startup Lunii accompagnée par les ingénieurs Kickmaker. Jusqu’alors produit en Chine, le jouet star est désormais fabriqué dans une usine à Bayonne, après avoir été repensé, dans sa conception, par Kickmaker. Un dossier pour lequel l’agence est parvenue à mêler compétences techniques et pouvoir de prescription. « Notre leitmotiv c’est « le bon projet, au bon endroit, au bon moment » ». Les planètes pourraient bien s’aligner de plus en plus souvent.

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