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Energies : « Notre souveraineté énergétique dépend de notre capacité à développer et maîtriser les énergies nouvelles décarbonées »

A l’aune des enjeux de décarbonation dans l’industrie, prendre à bras-le-corps la question des énergies nouvelles apparaît nécessaire. Désignant les sources d’énergie alternatives aux énergies fossiles traditionnelles type pétrole, charbon, gaz naturel, elles regroupent les énergies renouvelables et technologies émergentes. A savoir : le solaire, l’éolien l’hydrolien ou la biomasse, la géothermie… Anne Creti, professeure d’économie à l’Université Paris Dauphine nous en dit plus sur le sujet.

Professeure d’économie à l’Université Paris Dauphine, directrice de la chaire Économie du Climat, Anne Creti analyse ici les enjeux liés aux nouvelles énergies, entre souveraineté industrielle, transition juste et contexte géopolitique bouleversé.

Comment les nouvelles énergies s’inscrivent-elles aujourd’hui dans la trajectoire de décarbonation européenne ?

La crise énergétique a mis en lumière les fragilités de la transition, mais aussi le rôle devenu incontournable des énergies renouvelables. La directive européenne 20-20-20 de 2008 a été un tournant majeur. Elle imposait + 20 % d’efficacité énergétique, 20 % d’énergies renouvelables et – 20 % d’émissions de CO2. C’est cette trajectoire qui nous a progressivement conduits aux nouveaux objectifs européens, dont la réduction de 90 % des émissions annoncée récemment, en cohérence avec l’Accord de Paris. Chaque filière a connu une dynamique distincte. Le solaire a affiché la progression la plus rapide en capacité installée mais reste modeste en part de consommation finale. L’éolien, surtout offshore, a connu une accélération notable grâce au développement des enchères. Les bioénergies – biogaz, biométhane, biomasse – ont évolué plus lentement, car leur potentiel dépend fortement des gisements nationaux et elles n’ont pas bénéficié du même niveau de soutien que l’électricité renouvelable.

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Comment les instruments économiques de la transition énergétique ont-ils évolué ?

Depuis 2008, on observe deux grandes phases. La première jusqu’au début des années 2020 est celle des subventions massives. Des tarifs d’achat garantis ont permis l’essor du solaire et de l’éolien terrestre. Ils visaient à compenser des coûts d’installation très élevés. Parallèlement, la Chine a massifié la production d’équipements renouvelables, entraînant une chute spectaculaire des prix des panneaux solaires et, dans une moindre mesure, des turbines éoliennes. Cela a profondément modifié le paysage mon[1]dial et fragilisé la possibilité de constituer une filière industrielle européenne – alors que des initiatives avaient été lancées en Italie et en Europe du Nord.

La deuxième phase repose sur des mécanismes plus proches du marché : primes, contrats pour différence, puis Power Purchase Agreements (PPA) privés. Les États ont ajusté leurs dispositifs au fil du temps, en fonction de la maturité des technologies et de la maîtrise des coûts publics. Dans le biogaz, par exemple, les subventions ont été calibrées pour diminuer avec le déploiement des unités de production. En France comme ailleurs, des acteurs comme GRDF ont joué un rôle clé dans l’intégration des gaz verts. Les politiques se sont donc affinées pour accompagner la baisse des coûts tout en limitant l’impact sur les finances publiques et les factures des ménages.

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L’Europe et la France peuvent-elles structurer des filières industrielles dans les énergies décarbonées ?

La guerre en Ukraine a brutalement replacé la question de la souveraineté énergétique au cœur du débat. Depuis 2003, les piliers de la politique énergétique européenne étaient déjà connus : décarbonation, compétitivité, sécurité d’approvisionnement. Mais ces enjeux sont désormais devenus politiques et pas seulement techniques. La crise a révélé que l’Europe restait dépendante de ses importations et que sa compétitivité souffrait de stratégies nationales hétérogènes. Aujourd’hui, notre souveraineté énergétique dépend clairement de notre capacité à développer et maîtriser les énergies nouvelles décarbonées : c’est là que se joue désormais une part décisive de notre destin industriel et stratégique. Mais nous arrivons tard, les revenus tirés par la Chine du renouvelable pourraient dépasser ceux que les États-Unis tirent encore des énergies fossiles. Le premier levier est clair : réduire notre dépendance énergétique en réduisant les coûts de production d’énergie renouvelable pour gagner en compétitivité dans ce secteur. Sans cela, il sera difficile de rattraper le retard dans les filières industrielles décarbonées

Retrouvez l’intégralité du Panorama de décembre 2025 : Les énergies nouvelles au centre des enjeux de décarbonation, compétitivité et souveraineté

 

 

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