Philippe Marillaud, président directeur général de la PME industrielle Votat, spécialisée dans la conception et fabrication de pièces métalliques de précision revient sur le programme de l’Accélérateur Néo Pivot de Bpifrance.  

« Je suis convaincu d’une chose, si on prend soin de nos salariés, ils prendront soin de notre entreprise ». Durant ses vingt années passées à gérer des sites industriels pour le compte de grands groupes, ce credo n’a jamais lâché Philippe Marillaud, président directeur général de Votat. Au contraire, ce souci de « l’humain » fait partie des valeurs qui l’ont toujours accompagné. Notamment, lorsque lassé par des environnements où la « dynamique humaine » s’est effacée derrière des logiques de rendement, il décide de travailler à la reprise d’une société. « J’avais deux prérequis : reprendre une société à taille humaine et spécialisée dans la métallurgie qui est le domaine que je connaissais le mieux, dotée d’un vrai savoir-faire », raconte l’industriel.

C’est par un intermédiaire inattendu — via son curé — que Philippe Marillaud entend parler de la PME de l’Oise créée en 1876 et spécialisée dans la fabrication de pièces métalliques de précision. Après une rencontre organisée avec l’ancien dirigeant de l’entreprise centenaire, Philippe Votat, tout va très vite. « Six mois après, c’était fait ! ».  

« Aujourd’hui, tous les feux sont au vert » 

L’entreprise industrielle qui travaille pour des clients du secteur médical, de la construction, du nucléaire, de l’automobile, s’est lancée plus récemment dans le marché aéronautique-défense-spatial. Elle vient de livrer sa première commande pour Safran, et d’autres sont en cours.

Depuis l’acquisition de Votat, Philippe Marillaud a amorcé une transformation en profondeur. Il a insufflé une culture managériale fondée sur la confiance, modernisé les outils de production et stimulé la productivité de la société qui si elle se portait déjà bien, a connu ces dernières années une forte croissance, y compris durant la pandémie de 2020. « Tout s’est accéléré à ce moment-là car nous avons construit notre plan d’investissements pour les cinq années à venir. Aujourd’hui, tous les feux sont au vert », affirme le CEO. Constituée d’une équipe de 48 personnes, Votat affiche une belle santé financière avec un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros.

Soutenu dès le départ par Bpifrance, Philippe Marillaud s’implique activement dans l’écosystème industriel français. Il devient membre du Club Excellence (pour le département de l’Oise) et un fervent défenseur de La French Fab. Son objectif : valoriser le savoir-faire local et fédérer les acteurs de l’industrie pour bâtir une dynamique collective.  

« Challenger » le modèle d’une société centenaire via l’accélérateur Néo Pivot 

C’est en 2023, que le CEO entend parler du programme Accélérateur Néo Pivot de Bpifrance. « A l’époque, je me renseigne un peu auprès de ceux qui l’avaient déjà suivi, je me dis que cela peut être un bon moyen pour une société qui aura bientôt 150 ans, de venir challenger un peu son modèle. C’est-à-dire, voir si la tech peut nous aider à passer un cap et prendre une longueur d’avance sur notre marché ». Mais très vite, le consultant chargé du programme fait comprendre au chef d’entreprise que le modèle Votat, qui « répond à un vrai besoin de marché, est déjà bien aligné et qu’il n’y avait pas grand-chose à aller chercher de ce côté-là », souligne-t-il.

L’industriel a saisi l’opportunité au vol pour échanger autour du travail d’accompagnement que sa société réalise auprès de startups de l’école d’ingénieurs de Compiègne, l’UTC, mais aussi auprès d’autres jeunes pousses auprès desquelles Votat vient en aide en leur proposant des produits de sous-ensembles industriels, ou plus généralement des conseils leur permettant d’avancer sur leur projet. « A chaque fois, je me rendais compte, qu’il y avait chez ces startups une vraie appréhension malgré la pertinence de leur projet et le fait qu’elles soient convaincues de la réussite de leur produit sur leur marché », ajoute Philippe Marillaud. Pour ce dernier, la principale difficulté de ces start-ups repose sur leur passage à l’échelle. « C’est là-dessus que nous avons travaillé durant douze mois ».  

Aider des start-ups à « accélérer leur industrialisation »

Comment répondre à un besoin encore inexistant ? Cette interrogation, le dirigeant de Votat se l’est posée avant de mettre sur pied son projet et son offre. Dans leur phase de lancement, les startups peuvent s’appuyer sur Votat comme partenaire industriel stratégique, que ce soit pour la découpe de pièces spécifiques ou pour bénéficier de son expertise métier. « Ces entreprises pourront se servir de nous pour avoir accès à tout l’écosystème industriel que nous connaissons depuis longtemps chez Votat : des usineurs, des plasturgistes, des chaudronniers, des assembleurs etc. pour permettre à ces start-ups d’accélérer leur industrialisation en confiance avec un partenaire qui gère tout cela pour elles. », détaille Philippe Marillaud. Après avoir étudié le marché, le business plan, et affiné le modèle économique de son projet pour sécuriser son offre, l’industriel a pu « pitcher » son concept auprès de startups issues de l’écosystème Bpifrance, notamment lors d’événements comme Big. L’accueil a été très positif, suscitant l’intérêt de fondateurs ainsi que d’investisseurs.

Face à l’urgence exprimée par certains acteurs du secteur, Philippe Marillaud a identifié, avec le consultant Julien Masson, les besoins et les ressources nécessaires pour concrétiser le projet. Qu’il s’agisse d’aéronautique, de médical, d’industrie ou de robotique, l’enjeu est de capter les startups au moment clé : celui où leur produit devient commercialisable. C’est à cette étape critique de passage à l’échelle que Votat intervient, en apportant bien plus qu’un simple chiffrage. L’entreprise propose un accompagnement technique complet, allant jusqu’à la production et la livraison des pièces.
Le recrutement d’un directeur industriel a déjà été officialisé et l’équipe prévoit de lancer officiellement la nouvelle structure en septembre. Celle-ci ne sera pas rattachée à Votat mais créée ex-nihilo. Une aventure qui ne fait que commencer, souligne Philippe Marillaud.  

Pour Votat, PME industrielle centenaire en quête de transformation, l’accélérateur Néo Pivot s’est imposé comme une sorte de catalyseur d’innovation. En confrontant leur modèle à celui des startups, les dirigeants peuvent non seulement intégrer des technologies nouvelles, mais aussi repenser leur manière de produire. Une immersion de douze mois, qui a été décisive : « Une startup, c’est la tête, une PME, ce sont les bras. Ensemble, on peut faire des étincelles », commente Philippe Marillaud. Grâce à l’accompagnement de Julien Masson et de son équipe, le président directeur général a eu l’opportunité de « comprendre le langage de la tech », de tirer parti des retours d’expérience d’entrepreneurs aguerris, et de structurer son nouveau projet avec des experts.

Au sujet de l’avenir de l’industrie française, le dirigeant de Votat (membre du collectif Les Influstriels) reste résolument optimiste malgré le contexte économique incertain. A ses yeux, les aléas font partie du jeu, et c’est la capacité d’adaptation, l’agilité, qui font la différence. « La proximité a du sens. Quand j’ai repris Votat, j’avais prévu un fort développement à l’export mais le plus gros de notre croissance s’est fait avec des sociétés situées à moins de 200 km de chez nous. Je crois beaucoup à la puissance de cet écosystème local ».