
Robotique médicale : « Elle devient un écosystème numérique vivant et évolutif »
Delporte
Anne Osdoit, PDG de Moon Surgical, entreprise qui développe et commercialise un dispositif robotique d’assistance chirurgicale, nous partage son point de vue sur les technologiques robotiques qui révolutionnent le secteur médical.
Quels sont les principaux bénéfices concrets qu’apportent aujourd’hui les technologies robotiques aux patients et aux professionnels de santé ?
Anne Osdoit : Les apports de la robotique médicale sont nombreux et en constante évolution. D’abord, l’accessibilité. La chirurgie devient plus reproductible et démocratique, car elle accompagne des gestes compliqués même dans les mains des moins expérimentés. La robotique permet par ailleurs une personnalisation du geste, notamment grâce à la data science, puisqu’elle s’adapte au chirurgien, à son geste, au type d’opération et à l’anatomie du patient. Autre avantage, celui du retour d’expérience. Grâce aux données recueillies et aux feedbacks en temps réel, chaque intervention alimente un processus d’amélioration continue, au bénéfice des soignants comme des soignés. Enfin – et c’est un point souvent moins mis en lumière – elle améliore les dynamiques d’équipe. En libérant les soignants de certaines tâches pénibles ou répétitives, elle permet une montée en compétence, une meilleure agilité organisationnelle et une redéfinition plus qualitative des rôles au bloc opératoire.
La France est un acteur de plus en plus présent sur le marché de la robotique médicale. Comment se positionne-t-elle par rapport aux autres grandes puissances en la matière (États-Unis, Chine, etc.) ? Quels leviers pourraient encore être renforcés ?
AO : La France est un berceau d’excellence dans le domaine de la robotique chirurgicale. Elle peut se targuer d’une tradition forte en chirurgie de pointe, notamment dans des spécialités pionnières telles que la chirurgie des tissus mous ou la cœlioscopie, où son expertise est reconnue au niveau international. À cela s’ajoute un vivier d’ingénieurs de qualité, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la data science, disciplines désormais indissociables de la robotique médicale moderne. Cette convergence entre savoir-faire médical et technologique place la France à un carrefour prometteur.
Néanmoins, si l’inventivité et la maîtrise technique sont bien présentes, c’est souvent dans la phase d’industrialisation que le bât blesse. Le passage du prototype à la solution opérationnelle, reproductible à grande échelle, demeure encore semé d’embûches. L’un des freins majeurs reste la difficulté à mobiliser des fonds d’investissement à la hauteur des enjeux, dans un domaine où la montée en puissance requiert du temps, de l’ambition et une vision à long terme. Il faut cependant saluer les efforts engagés pour construire une véritable filière nationale. Des écosystèmes solides émergent, à l’image des hubs de Montpellier ou de Grenoble, autour de projets concrets. Ces pôles d’excellence commencent à susciter l’intérêt des investisseurs, signe que la dynamique s’enclenche. Le défi, désormais, est d’amplifier cette structuration pour faire émerger des champions européens de la robotique médicale.
Quelles sont les tendances et innovations qui vous semblent les plus prometteuses dans ce domaine aujourd’hui ?
AO : S’il fallait retenir une dynamique particulièrement féconde aujourd’hui, ce serait sans conteste celle de l’intégration croissante de la data science dans les dispositifs robotiques. L’analyse fine des données recueillies au bloc opératoire permet en effet des avancées considérables, tant en amont qu’au cœur même de l’acte chirurgical. Ces technologies permettent d’optimiser le geste, d’améliorer la précision et la reproductibilité, mais aussi d’affiner l’organisation du bloc dans une logique d’efficacité globale. Les robots deviennent ainsi capables de s’adapter aux spécificités anatomiques du patient, mais également aux habitudes, au rythme et aux préférences du chirurgien. Mais cela implique certains défis : cybersécurité, protection des données de santé, fiabilité des connectivités, mises à jour continues des algorithmes. Ces enjeux sont considérables, mais ils sont aussi le reflet d’une maturité technologique. La robotique médicale n’est plus seulement une question de mécanique de précision : elle devient un écosystème numérique vivant, évolutif, au service d’une médecine plus intelligente et plus réactive. L’essor de la robotique en santé soulève aussi des questions éthiques et organisationnelles.
Comment réussir à équilibrer l’innovation technologique et le rôle central du praticien ?
AO : C’est là un enjeu fondamental. La robotique ne doit jamais se substituer à l’humain, mais l’augmenter, le soutenir, le libérer de certaines tâches pour lui permettre de se recentrer sur son cœur de métier : soigner. Le praticien reste la conscience et le garant de l’acte médical. Pour que cette harmonie s’installe durablement, il est fondamental de former, d’écouter et d’impliquer les professionnels de santé dès la conception des outils robotiques. Ce n’est qu’à cette condition que la technologie reste une alliée de la médecine.
Ce que je retiens particulièrement aujourd’hui, c’est la remarquable diversité des approches. Loin de se limiter à quelques applications phares, comme la pose d’implants en orthopédie ou l’assistance en chirurgie des tissus mous, la robotique s’infiltre désormais dans des champs d’exploration toujours plus variés.
Nous assistons à l’émergence de dispositifs pour la chirurgie dentaire, ou encore à l’utilisation de micro-robots capables d’intervenir dans des zones aussi complexes que le cerveau, pour y insérer temporairement des dispositifs médicaux. Ces innovations sont le reflet d’une profonde maturité technologique. Si l’on ose aujourd’hui concevoir des robots aux formats et usages aussi variés, c’est parce que l’on a appris à en maîtriser les fondamentaux. La robotique devient ainsi un prolongement naturel et modulable de la main du praticien, au service d’une médecine plus précise, moins invasive, et donc plus respectueuse du patient.
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