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Comment la filière du lait fait-elle face à la crise ?

L’industrie laitière, en plein pic de production, doit s’adapter aux fluctuations de la demande causées par la crise du coronavirus.

« Les vaches et les chèvres n’ont pas eu l’information que le coronavirus arrivait dans nos campagnes ». Hugues Triballat, président de la laiterie du même nom, rappelle que de la mi-mars à la mi-mai, c’est la saison des naissances dans les élevages. C’est aussi l’heure du retour au pré. Résultat : la production de lait atteint son pic annuel.  

Une situation prévisible, à laquelle les entreprises du secteur savent répondre en temps normal. « On a la chance d’avoir investi énormément ces dernières années pour avoir des équipements capables d’absorber ces volumes », souligne Benoît Aubry, directeur financier d’Isigny Sainte-Mère. Mais cette année, il faut s’adapter aux perturbations de la demande. Les clients restaurateurs ont cessé leurs commandes. Les produits vendus à la coupe ne trouvent pas preneurs non plus, tant sur les marchés, fermés pendant le confinement, que dans les supermarchés. 

La hausse de la demande dans la grande distribution, notamment pour les yaourts, permet de compenser la fermeture des autres débouchés. « Certains ateliers ont tourné en sur-régime car la demande a augmenté de 30 à 40% sur les produits connus, vendus en grande distribution. Les consommateurs ont fait des stocks », analyse Hugues Triballat.  

« On n’a laissé aucun litre de lait à la ferme »

Face aux surplus, le Centre National Interprofessionnel de l’Économie Laitière a réagi fin mars, en proposant d’indemniser les producteurs qui accepteraient de réduire leur production de 2 à 5%. Mais tous les acteurs de la filière n’ont pas choisi cette approche. Chez Isigny Sainte-Mère, Benoît Aubry rappelle que « nos producteurs de lait sont eux-mêmes adhérents et actionnaires de la coopérative. Donc on a assuré la collecte du lait. » Chez Triballat aussi, on tient les engagements pris : « On n’a laissé aucun litre de lait à la ferme. » 

Il faut donc trouver de nouveaux clients rapidement pour écouler la production. Parmi eux, Hugues Triballat cite les fabricants de poudre et certains marchés étrangers moins touchés par la crise. Les conséquences sont déjà visibles sur les prix : « Nous avons revendu le surplus à perte. Mais c’était ça ou jeter la matière première. »

Isigny Sainte-Mère s’attend à une baisse du prix du lait à plus long terme en raison des excédents, car « les cotations des produits standards, comme le beurre ou la poudre, ont complètement dévissé depuis 2 mois » sur le marché. Le risque financier est également présent à cause de la baisse des garanties de nombreuses assurances-crédits. « Soit vous livrez avec le risque d’impayés, soit vous livrez moins », conclut Benoît Aubry. 

« Tous les collaborateurs ont été sur le pont »

Malgré les difficultés, la filière a pu compter sur sa longueur d’avance en termes de mesures sanitaires. Le port du masque, la prise de température et d’autres gestes barrières ont été déployés sur les sites de transformation, dans la continuité des précautions habituelles. Lorsqu’on travaille dans l’agro-alimentaire, « la notion d’hygiène, de bactéries, de microbes, est quotidienne », rappelle Hugues TriballatIl a donc été possible de poursuivre l’activité pendant le confinement.  

Les tensions ont aussi été évitées sur la chaîne logistique. Si les fabricants d’emballages font craindre des ruptures de stocks, les deux entreprises, membres du réseau Bpifrance Excellence, dépendent peu des transporteurs. Elles utilisent leurs propres camions-citernes pour s’approvisionner, et Triballat dispose aussi de camions réfrigérés pour livrer ses clients. Le faible taux d’absentéisme, dans les ateliers et au volant, a permis de tenir les cadences. Chez Isigny Saint-Mère, « il n’a pas dépassé 20%. Tous les collaborateurs ont été sur le pont pour répondre à l’ensemble des commandes de nos clients », se félicite Benoît Aubry. 

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