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New Space : « De jeunes pousses peuvent désormais se positionner »

En tant que CEO d’Exotrail, comment définiriez-vous le New Space et en quoi bouleverse-t-il l’écosystème spatial traditionnel ? 

Jean-Luc Maria : Le New Space marque l’émergence d’un troisième type d’acteurs dans l’écosystème spatial : ni agences publiques, ni industriels historiques, mais une nouvelle génération d’entreprises, souvent issues du monde des startups et financées par le capital-risque. Une émergence qui tient à une conjonction de facteurs concomitants : la baisse significative des coûts d’accès à l’espace, impulsée notamment par SpaceX, et une abondance de liquidités, liée à une politique de taux bas dans les années 2015. Ces conditions ont permis à de jeunes pousses de se positionner sur des segments autrefois réservés aux géants du secteur : fusées, satellites, propulsion ou encore capsules de rentrée atmosphérique. En France, cette dynamique a été entretenue et amplifiée par des dispositifs publics, tels que les Programmes d’investissements d’avenir ou France 2030, et par des structures comme les SATT (Sociétés d’accélération du transfert de technologies), qui ont permis le transfert technologique depuis la recherche vers l’industrie. 

Quelles sont, selon vous, les principales opportunités économiques et technologiques que le New Space ouvre aujourd’hui pour les entreprises comme la vôtre ? 

J-L M : Aujourd’hui, toute la chaîne de valeur spatiale est couverte. On observe de belles innovations aussi bien dans le hardware que dans l’exploitation de la donnée. L’espace devient une source stratégique d’information pour des applications terrestres : climat, agriculture, défense. Deux marchés restent néanmoins plus présents : les télécommunications et l’observation de la Terre. À cela s’ajoute l’essor de la mobilité spatiale, un champ que nous investissons particulièrement chez Exotrail, car il devient indispensable à mesure que le nombre de satellites en orbite augmente. Justement, Exotrail développe des solutions de mobilité spatiale. 

En quoi cette capacité à manœuvrer les satellites représente-t-elle un enjeu stratégique pour l’Europe ? 

J-L M : La multiplication des objets en orbite impose de gérer leur mobilité de manière fine. Il s’agit d’optimiser leur position, d’éviter les collisions, de prolonger ou relocaliser leurs missions ou encore de penser à leur désorbitation en fin de vie, soit en les faisant redescendre sur Terre, soit en les déplaçant dans des endroits de l’espace moins « utiles ». Mais la mobilité revêt aussi une grande importance pour les puissances spatiales. Des satellites plus petits, plus agiles, plus robustes et plus compétitifs sont nécessaires pour venir compléter l’arsenal actuel, certes plus performant, mais coûteux et vulnérable car peu fourni.

Comment voyez-vous évoluer les rapports entre acteurs publics et privés dans le spatial ? 

J-L M : Ils sont inextricablement liés. L’institutionnel est et demeurera toujours un moteur essentiel du secteur, y compris pour les applications dites commerciales. SpaceX en est un exemple réel : Starlink, bien que commercial, a pu bénéficier d’importants fonds publics accordés à l’entreprise sur ses activités de lancement. Dans le reste du monde aussi, derrière nombre de clients privés se trouvent souvent des commanditaires publics. L’avenir du spatial se construira donc dans cette interconnexion

Quels freins identifiez-vous aujourd’hui au développement d’un véritable écosystème New Space en France ou en Europe ? 

J-L M : La France en particulier a réussi à créer un « entonnoir de l’innovation », avec de nombreuses startups en phase amont, mais aujourd’hui, certaines, comme Exotrail, atteignent aussi un stade industriel. Le défi est double : continuer à alimenter cet entonnoir avec de nouveaux projets et accompagner la montée en puissance des plus matures. Cela suppose plusieurs choses : adapter la nature des financements, envisager des stratégies de consolidation, plus globalement s’interroger sur le bon modèle pour faire émerger des leaders mondiaux. 

Quels usages ou secteurs vous semblent les plus prometteurs dans les prochaines années ? 

J-L M : La défense est aujourd’hui un terreau d’opportunités, tant les besoins évoluent rapidement. Mais d’autres segments suivront : les télécommunications, encore et toujours, l’analyse de données spatiales ou l’intelligence artificielle embarquée pour traiter les données de la manière la plus pertinente et optimisée possible. L’espace va continuer de faire croître un environnement logistique intelligent, et la mobilité, au sens large, en sera l’un des piliers. 

Quel rôle Bpifrance a-t-il joué dans l’émergence d’Exotrail et plus largement du New Space français ? 

J-L M : Depuis nos débuts, nous avons été accompagnés à chaque étape par des dispositifs structurants : les Programmes d’investissement d’avenir et les SATT, France 2030. Bpifrance, en particulier, a été un partenaire clé. Il soutient les entreprises à tous les stades de maturité, de l’émergence à la phase industrielle et même au-delà. Ce continuum est rare et précieux. Nous avons une vraie chance en France d’avoir une maison aussi bien dotée d’outils pour accompagner l’innovation de manière générale. Bpifrance et plus globalement le soutien français à l’innovation attire même l’attention de délégations étrangères, qui viennent régulièrement étudier notre parcours. Ce soutien, bien sûr, ne saurait se substituer au marché. Mais lorsqu’il est bien calibré, il permet à l’innovation française de passer du laboratoire à l’orbite, et d’y rester !

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Le New Space : l’espace, un terrain de jeu plein de promesses

 

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