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Made in France : comment la start-up Daan Tech veut réinventer l’électroménager

« Gagner de l’espace, du temps et de l’énergie ». Telle est la promesse des appareils électroménagers conçus par la start-up Daan Technologies. Cofondée en août 2016 par Antoine Fichet et Damian Py, l’entreprise vendéenne s’est fait un nom en lançant Bob, un lave-vaisselle compact au design rétro, disponible en plusieurs coloris et conçu de manière écoresponsable. Selon la dernière étude de l’Insee sur les équipements des ménages en France (2017), 61 % des foyers possèdent un lave-vaisselle. Un bien durable que l’on retrouve notamment chez les 25-39 ans (61,7%) et les 40-59 ans (67,3%), les 60 ans ou plus (58,5%). Seulement 29,4 % des 16-24 ans en sont équipés.  

Bob, un lave-vaisselle à impact positif  

En 2009, alors étudiant, Antoine Fichet, président directeur général de Daan Tech a le projet de créer un mini lave-vaisselle pour les étudiants et adapté aux petits intérieurs. Plus tard, après un passage de deux ans chez Bpifrance à la direction de l’offre Innovation, il s’allie avec Damien Py (qui ne fait plus partie de l’aventure Daan Tech à ce jour) et impulse le projet de commercialiser un lave-vaisselle révolutionnaire, innovant et made in France. « A l’époque, il n’existait aucune offre développée pour répondre aux besoins de mobilité et de compacité. En réalisant l’étude de marché avec des sociologues ainsi que des anthropologues, on a vite compris que les usages changeaient. Cela faisait sens de lancer ce produit », relate l’entrepreneur de 35 ans. Voilà pourquoi Bob s’adresse à une clientèle spécifique : les personnes vivant seules ou en couple. Face à l’augmentation de la mobilité et à la réduction progressive de la taille des logements – notamment dans les grandes villes – la jeune pousse s’est donnée pour mission de redonner de la valeur ainsi qu’une nouvelle place à cet objet qui a révolutionné les foyers français dans les années 90. Rapide, économe, déplaçable, le lave-vaisselle Bob permet aussi de consommer cinq fois moins d’eau qu’un lavage à la main. Cette efficacité énergétique a d’ailleurs été pensée dès le départ. Pour le chef d’entreprise, il est inconcevable aujourd’hui de créer un simple gadget, qui ne sert à rien et est bon à jeter à la poubelle. « Bob est un produit robuste conçu pour durer plus de dix ans, on lutte contre l‘obsolescence programmée », assure Antoine Fichet. Dans une logique d’économie circulaire, chaque Bob est consigné 80 euros pour garantir sa reprise en fin de vie. Facilement réparable en moins de dix minutes, 80 % des clients pratiquent l’auto-réparation grâce à des tutoriels et pièces envoyées gratuitement par la start-up.  

Le lave-vaisselle Bob créé par l’entreprise Daan Tech est conçu pour faire la vaisselle quotidienne de maximum trois personnes en vingt minutes.

 

Un projet de réindustrialisation 

Plus performant, plus économe et respectueux de l’environnement, le lave-vaisselle imaginé par Daan Tech est devenu au fil du temps un véritable « projet de réindustrialisation » selon les mots de son cofondateur. Alors que l’électroménager français perd du terrain au profit de la concurrence étrangère, créer une gamme d’appareils fabriquée en France, de manière éco-responsable et source d’emplois représente une opportunité. Celle de revenir aux fondamentaux du savoir-faire français, notamment en matière d’innovation et de technologie. « Je me suis rendu compte que créer ce produit était devenu un projet beaucoup plus large, une sorte de message : si on ne sait plus concevoir ou fabriquer nos objets du quotidien, on peut très rapidement arriver vers une société industrielle en déclin ». Cette tentative de faire renaître de ses cendres l’électroménager français démarre fort et bien. En octobre 2018, 6 000 Bob sont précommandés en un mois. Fabriqués dans une usine de 2 500 m² en Vendée, le lave-vaisselle iconique séduit plus de 100 000 clients depuis sa première commercialisation en 2020. Le passage de la start-up, en 2022, sur le plateau de l’émission Qui veut être mon associé, booste encore plus sa visibilité. Daan Tech se développe à l’international – aujourd’hui, la moitié du chiffre d’affaires de la start-up provient de l’export – et est présent aujourd’hui dans plus de 30 pays, dont l’Argentine, Taïwan et le Japon.  
 
Avec son second produit, Joe, qu’elle lance en 2022, l’entreprise s’attaque au « problème de la cuisson ». Son but est de révolutionner la cuisine comme Bob l’a fait avec le lavage de la vaisselle. Antoine Fichet fait remarquer que de nombreuses personnes ne disposent pas toujours de l’espace ou des appareils performants nécessaires pour réussir leurs recettes. « On peut acheter les meilleurs produits sur le marché, la meilleure viande, les meilleurs légumes. On peut être le meilleur cuisinier. Si l’appareil technologique derrière ne suit pas, en termes de cuisson, ça sera raté », explique-t-il. Le four Joe est un appareil capable d’offrir un niveau de cuisson inégalé en combinant cinq technologies : le micro-ondes, l’air fryer, la chaleur tournante, le grill toaster et la cuisson vapeur. L’objectif est d’obtenir le rendu souhaité grâce à une intelligence artificielle générative. L’innovation permet à l’utilisateur d’interagir directement avec lui, comme avec un commis. « On va pouvoir parler à Joe et lui demander de cuire son poulet, ou lui dire: je le veux bien croustillant mais tendre à l’intérieur, ou je veux faire une ratatouille ou un plat de légumes, mais je le veux bien moelleux à cœur. », précise le dirigeant. Autre révolution, cette fois-ci liée à la transition écologique dans le secteur industriel : « Avec Bob et Joe, on va consommer jusqu’à 70 % d’énergie en moins pour une qualité encore meilleure que celle proposée par le concurrent ».  

Antoine Fichet, président directeur général de la start-up vendéenne Daan Tech. 

Si le concept et le produit plaisent, un problème de levée de fonds et d’engouement des investisseurs incite l’entreprise à mettre en pause le projet. Le 5 mars 2025, la start-up industrielle qui emploie aujourd’hui une trentaine de salariés est placée en redressement judiciaire. Dans la foulée, Daan Tech a lancé une grande campagne de communication sous forme de crowdfunding : “En France, on fabrique”, pour faire un point d’étape sur sa situation, trouver des fonds pour poursuivre son développement et réaffirmer son ambition : « Se dire que c’est toujours possible, allez, on y croit. » Pourtant, ces deux dernières années ont été marquées par de nombreuses difficultés, notamment le refus répété d’investisseurs, principalement des fonds VC (Venture Capital), souvent frileux face aux projets hardware B2C made in France. « Ça a été compliqué, mais on l’a compris », reconnaît l’entrepreneur. En réponse, l’équipe s’adapte : le projet Joe est mis en pause en attendant son financement, tandis que les efforts se recentrent sur Bob, avec un retour assumé aux fondamentaux. « Joe sera lancé quand il sera financé », détaille Antoine Fichet évoquant plusieurs pistes de montage financier à l’étude, avec une communication prévue d’ici la fin de l’année. Le placement en redressement judiciaire est vécu comme une seconde chance. « Cela nous permet de réduire nos coûts et de repartir de plus belle. »  

« C’est une fierté collective de dire qu’on peut être rentable avec du made in France » 

Cette phase de restructuration porte déjà ses fruits : l’entreprise a enregistré ses premiers mois rentables en avril et mai. Si le modèle initial de Daan Tech reposait davantage sur une logique de start-up industrielle visant une levée de fonds pour développer une gamme complète, aujourd’hui, la jeune pousse se concentre sur l’importance de fabriquer des produits en France et de développer des emplois locaux. « C’est aussi une fierté collective de dire qu’on peut être rentable avec du made in France. Bien qu’il soit difficile dans un contexte de mondialisation d’imaginer un monde où un produit serait 100 % français », poursuit Antoine Fichet. Pour l’entrepreneur, la certification Origine France Garantie est aujourd’hui la seule véritablement sérieuse sur le sujet : « Elle est contraignante, elle a un coût, et elle implique des audits indépendants réalisés par des organismes comme Bureau Veritas. » Contrairement à d’autres labels, cette certification repose sur un contrôle rigoureux, parfois inopiné, qui limite les abus. De plus, pour le chef d’entreprise, elle va de pair avec sa vision du Made in France. « L’origine de fabrication ne veut pas dire qualité. Elle signifie maintien de l’emploi local, transmission des savoir-faire, et circuits courts. » Le produit phare de l’entreprise, Bob, en est l’illustration : s’il est performant, ce n’est pas parce qu’il est fabriqué en France, mais parce qu’il est bien conçu rappelle son cofondateur. Le choix du local relève d’un engagement industriel, pas d’un argument commercial. « Ce sont des convictions : création d’emplois, maintien des savoir-faire. » Une nécessité d’autant plus urgente que des compétences  et des talents disparaissent. « Pour certains sous-ensembles, comme la partie micro-ondes de Joe, il ne reste en France qu’une ou deux personnes capables de concevoir la chaîne d’ondes — et elles travaillent pour de grands groupes. C’est caricatural. » 

Pour l’industriel, le secteur souffre d’un manque criant de transparence, comparable à celui longtemps observé dans l’industrie textile. « Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment qui conçoit, qui fabrique ni dans quelles conditions sont produits les appareils que l’on achète », déplore-t-il. À ses yeux, une meilleure visibilité sur la chaîne de valeur – de la conception à la commercialisation – permettrait aux consommateurs de faire des choix plus éclairés et responsables. Il plaide ainsi pour une consommation plus locale, à l’image de ce qui se fait dans l’agriculture, afin de soutenir l’emploi et l’innovation sur le territoire. « La consommation représente 50 % du PIB. Ce sont les achats du quotidien qui façonnent l’économie, et si l’on orientait mieux les décisions d’achat, on pourrait enclencher un cercle vertueux ». Pour cela, il appelle par exemple à des outils de transparence simples et accessibles, comme l’a été le Nutri-Score dans l’alimentation

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