
Transition écologique dans l’industrie : quelles sont les stratégies gagnantes ?
« Et si la transition écologique rendait votre industrie plus compétitive ? » C’est l’intitulé du webinaire coorganisé le 5 juin par La French Fab et la communauté du Coq Vert à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement. Quels sont les grands enjeux contemporains de transition écologique auxquels font face les industriels ? De quelle façon, l’industrie s’empare des défis liés à la sobriété énergétique, à la décarbonation ? Quelles solutions sont proposées par les industriels pour repenser les modèles de leurs activités à l’ère de la transition énergétique et environnementale ?
Pour échanger autour de ces problématiques, trois intervenants ont été réunis : Isabelle Albertalli, Directrice du plan climat de Bpifrance, Jean-Christophe Pierron, cofondateur de l’entreprise Vestack, spécialisée dans la conception et de la construction du bâtiment bas carbone et Jean-Pierre Delesse, Directeur commercial de la start-up industrielle Eyco, experte dans la conception et la production de micro-connecteurs. Big média vous résume en cinq points, les principales idées énoncées.
1. Comprendre les enjeux du risque climatique pour adapter son outil industriel
Pour faire face aux principaux défis posés par la transition écologique, le secteur industriel doit prendre en compte de multiples enjeux, notamment, à court, moyen et long terme. La question de l’adaptation et de l’atténuation au risque de catastrophes climatiques telles que les inondations ou les phénomènes de sécheresse en fait partie. « Comment s’assurer que mon usine tient la route face à ces risques ? Comment suis-je directement exposé ? » Des interrogations que se doivent de soulever les dirigeants industriels, expose Isabelle Albertalli, Directrice du plan climat de Bpifrance afin de comprendre l’enjeu de l’adaptation au risque climatique. Cette logique du « mieux vaut prévenir que guérir », précise-t-elle, n’a pas encore été « suffisamment embarquée » aujourd’hui par les entrepreneurs industriels. Autres enjeux listés par l’experte : ceux liés à la décarbonation, en particulier le levier de l’énergie, puis celui concernant les matières premières. Ce sont sur ces défis que se jouent en partie la souveraineté industrielle du pays. Qu’il s’agisse de jeunes pousses en phase d’industrialisation, de PME conçues par des dirigeants plus expérimentés ou d’ETI industrielles et familiales expertes dans leur domaine, les enjeux de transition écologique peuvent être pris à bras-le-corps à tout moment et à tout niveau de maturité.
2. Pour bien transitionner, l’industrie doit prendre de l’avance
Où se situent les dirigeants industriels dans cette phase d’adaptation au changement climatique ? Les deux entreprises invitées lors du webinaire sont de jeunes pousses qui ont bâti leur identité et leur activité (micro-électronique et construction modulaire) autour des impératifs écologiques. « Cette transition était déjà inscrite dans l’ADN du fondateur d’Eyco, Eric Aymard, c’était un projet d’une usine zéro rejet », explique Jean-Pierre Delesse, Directeur commercial au sein de la start-up qui développe des microcircuits intelligents à Trets, commune située dans la French Silicon Valley du Sud. Le dirigeant a construit et imaginé toute l’infrastructure industrielle de son usine, à partir du concept de transition écologique. Par la suite, « cet ADN a diffusé dans toute l’entreprise ».
Du côté de Vestack, start-up dont la « raison d’être repose sur la démocratisation du bâtiment bas carbone », selon les mots de Jean-Christophe Pierron, son cofondateur, « la prise en compte des risques climatiques a été consubstantielle dès le départ au cahier des charges et à notre travail d’analyse ». Le dirigeant a notamment rappelé que « tout le process de l’entreprise a été pensé dans le but de s’installer dans des friches industrielles » et par là « revaloriser le foncier, l’industrie et l’existant dans le pays ». C’est pourquoi, Vestack a fait le choix de s’installer dans un ancien site de plasturgie déjà équipé en bassin de rétention ou en équipements pouvant répondre à des problématiques d’isolation thermique et de récupération des eaux. « L’avantage d’être constructeur c’est qu’on peut construire nous-même des bureaux qui sont déjà prêts pour les conditions climatiques de 2030, 2040 », ajoute Jean-Christophe Pierron. Ainsi, la start-up a achevé la construction d’une extension de son usine – un réfectoire – en prenant en compte « la réglementation énergétique non pas de 2025 mais de 2031 pour prendre de l’avance sur ces sujets ». Pour Isabelle Albertalli, le secteur de la construction est directement confronté aux enjeux climatiques telles que les intempéries ou les grosses chaleurs. Le fait de proposer des solutions modulaires « permet d’avoir une continuité de son activité quel que soit les températures extérieures ».
3. Adapter son outil industriel en investissant dans des équipements innovants
Concrètement, comment se traduit sur le terrain et au quotidien, la prise en considération des défis liés à la transition écologique dans la filière industrielle ? Chez Eyco, la thématique de la consommation d’eau demeure essentielle. Si dans « notre industrie, nous utilisons généralement l’équivalent d’une piscine par jour, chez Eyco, nous sommes au niveau d’une machine à laver, à peine, met en évidence le directeur commercial de la société. L’usine a été conçue pour n’utiliser que très très peu d’eau (…) ». Grâce à l’investissement dans des équipements permettant d’en minimiser la consommation tels que des bassins de rétention ou bien par le recyclage de l’eau à l’aide « d’installations plus complexes que ce qui existe actuellement sur le marché », Eyco fait en sorte de ne pas interrompre son activité lors d’événements climatiques sévères et de rester résiliente.
Autres exemples : plusieurs industriels, notamment ceux à la tête d’entreprises familiales ou patrimoniales font le choix d’équiper leurs sites familiaux de panneaux photovoltaïques pesant un kilo par mètre carré et pouvant être installés facilement sans renforcer les structures existantes, comme le souligne le fondateur de Vestack. « Cela permet d’équiper rapidement un site déjà en exploitation ». Outre l’efficacité énergétique, ce choix répond à des logiques patrimoniales car, isoler éthiquement un bâtiment permet non seulement de réduire son empreinte carbone mais aussi de revaloriser le foncier et le bâti, ajoute Jean-Christophe Pierron.
4. Faire le choix des énergies renouvelables, aussi un enjeu de souveraineté
Quels sont les intérêts pour un industriel, d’investir dans les énergies renouvelables ? Si « réduire sa consommation d’énergie, ça permet de faire des économies », relève la responsable du plan Climat de Bpifrance, derrière le défi énergétique, autre enjeu de la transition écologique, il y a en ligne de mire des questions liés à la sobriété, à la performance énergétique (s’équiper en machines plus performantes, changer de procédés) au « mix énergétique » mais aussi à la souveraineté. « La plupart des énergies non renouvelables ne sont pas faites en France. Nous n’avons pas de pétrole et pas beaucoup de gaz (…) Cela nous rend dépendant des autres pays alors que le renouvelable, on sait bien le faire, le décarboné (si on inclue le nucléaire), on sait bien le faire aussi », commente Isabelle Albertalli. La solution ? « Plus on arrive à avoir un mix dans son usine qui est décarbonée et plus on est souverain et on sera moins soumis aux aléas de marchés du fossile, outre le fait que ce soit bon pour la planète ».
Chez Vestack, le choix de l’électrification de tous les équipements de manutention a été réalisé dès le départ. Cela n’a pas été un parti pris « évident parce que l’investissement initial est un investissement de 30 à 40% supérieur à des équipements thermiques, note Jean-Christophe Pierron. On va le retrouver au niveau du confort pour les opérateurs et […] d’une certaine façon aussi au niveau de la productivité de l’équipement qui est un peu plus productif que le thermique ». Concernant le sujet du « mix énergétique », la start-up a misé sur « la conversion autant que faire se peut quand on est en site installé sur des outils de chauffage […] avec en réalité, si on prend la bonne maille temporelle, des équations économiques qui sont positives pour l’occupant. » Autre élément clé aux yeux de Jean-Christophe Pierron : il faut savoir se positionner « sur le bon horizon temporel » et avoir une vision à long-terme en matière d’investissement. « Est-ce que je réfléchis à 3 ans, à 5 ans ou à 10 ans. A 3 ans il y a très peu d’investissement […] d’investissement qui sont bon pour la transition qui sont économiquement rentables. A 5 ans ou à 10 ans il commence vraiment à y avoir des opportunités à saisir. »
Pour la start-up Eyco, la question de la souveraineté industrielle, n’est pas si facile à mettre en œuvre, notamment dans la « chaîne de valeur du semi-conducteur ». La start-up industrielle achète de l’or, du cuivre, du nickel mais ne peut pas répondre « aujourd’hui à des enjeux de souveraineté au niveau des matières premières. Sur un angle plus large, la chaine de valeur du semi-conducteur, ce que j’appelais tout à l’heure, le packaging est une filière qui a disparu, qui est parti en Asie. », précise Jean-Pierre Delesse. Néanmoins, l’entreprise travaille avec des clients et des donneurs d’ordre qui entendent les messages de souveraineté et s’interrogent sur comment fabriquer par exemple, des cartes bancaires qui seraient produites exclusivement en Europe…
5. Même en produisant éco-responsable « il faut être compétitif sinon on n’existe pas »
Les clients industriels ne sont pas tous prêts à payer un premium que ce soit dans le secteur du bâtiment ou celui de la microélectronique. « Je n’ai pas rencontré un seul client qui m’ait dit « je suis prêt à payer un prix plus cher, parce que j’ai un fournisseur qui est éco-responsable », constate le directeur commercial de l’entreprise Eyco. Il poursuit : comme on est sur un marché ultra compétitif on n’a pas le choix, il faut être compétitif sinon on n’existe pas. L’équation a été pour nous de dire : en étant éco-responsable quelles économies on peut faire ? ». La stratégie de l’entreprise est de rester compétitive sur une échelle courte et d’attendre que les investissements soient amortis pour l’être encore plus dans la durée.
Pour le cofondateur de Vestack, la question de la compétitivité dans le secteur du bâtiment doit aussi prendre en compte l’enjeu de l’anticipation dans l’investissement. « On n’a jamais gagné un projet parce qu’on est vertueux environnementalement » parlant, affirme Jean-Christophe Pierron. Mais, le chef d’entreprise insiste sur les avantages pour le client de travailler avec un acteur industriel prenant en compte les questions de transition écologique. Notamment : « Diviser par deux la durée d’un projet » ou « réduire les nuisances de chantiers »…
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