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Première usine : entre succès et défis pour les startups

Dans un dossier paru en mars et intitulé « Première usine, ça passe ou ça casse », le média L’Usine Nouvelle revient sur les difficultés, réussites et défis rencontrés par les startups pour passer à l’échelle industrielle, notamment dans un contexte économique et géopolitique tendu. Voici ce qu’il faut retenir de ce focus.

Accès aux financements, démarche d’innovation, singularité française et européenne, recrutement et formation de talents… Le dossier « Première usine, ça passe ou ça casse » paru dans le numéro du mois de mars 2025 du magazine L’Usine Nouvelle, revient sur les principales problématiques liées aux enjeux de réindustrialisation. A travers des exemples concrets, des témoignages de dirigeants industriels et des critiques d’experts, dont plusieurs de Bpifrance, le magazine offre un aperçu des principaux défis rencontrés par les pépites françaises désireuses de changer d’échelle, de passer de start-up à entreprise industrielle innovante. Voici les principaux enseignements de ce dossier spécial.

2,8 milliards d’euros levées par les startups industrielles en 2024

S’appuyant sur la troisième édition de l’Observatoire annuel des start-ups, PME et ETI industrielles, de Bpifrance, le journal révèle que pour l’année 2024, quelque 2,8 milliards d’euros ont été levés par les startups industrielles. C’est moins quen 2023 – 4,2 milliards d’euros – et en 2022 – 3,8 milliards d’euros. Néanmoins, cette baisse de financements n’est pas signe de pessimisme. L’accès au financement des startups industrielles s’est même « amélioré par rapport à l’avantpériode du Covid », selon Thomas Cazor, chargé de mission chez Bpifrance. De plus, les inaugurations d’usines (dont une majorité est consacrée à la transition écologique) qui ont eu lieu cette année – 38 sites inaugurés en 2024 contre 60 en 2023 et 35 en 2022 – sont en partie le signe d’une « dynamique de réindustrialisation ». Thomas Cazor, chargé de mission chez Bpifrance précise encore : « On voit se développer des modèles d’usines décentralisées, au plus près des matières premières ou des clients. Avec là aussi, un enjeu de passage à échelle qu’il faut accompagner ». 

« L’échec fait partie de l’innovation »

Réindustrialiser grâce à l’innovation. L’enjeu est de taille et pas facile à tenir, selon L’Usine Nouvelle qui s’appuie sur quelques exemples concrets. D’abord, celui de la start-up Ynsect créée en 2011. L’entreprise spécialisée dans l’élevage d’insectes « était un symbole de la reconquête de souveraineté et du renouveau industriel à travers sa méga-usine verticale », située dans la Somme, écrit le média. Les difficultés rencontrées par la pépite – actuellement en recherche d’un repreneur et qui a levé depuis sa création 60 millions d’euros – pour passer à l’échelle industrielle seraient dû à « des problèmes liés à l’industrialisation d’une technologie de rupture ». Selon Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement chargé de France 2030 et interrogé dans le dossier, la leçon à tirer du cas Ynsect est que « ces nouveaux acteurs doivent être épaulés par des grands-frères de l’industrie, qui est un métier d’expérience ».

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Les difficultés rencontrées par les gigafactories de batteries sont mises en lumière à travers l’exemple d’un pionnier européen du secteur aujourd’hui en faillite, Northvolt. Aux yeux de Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l’innovation chez Bpifrance, « on a sous-estimé le savoir-faire accumulé par les Chinois dans les batteries en vingt ans ». Il affirme aussi que, réindustrialiser le pays par la création de produits innovants sera un chemin « difficile et long ». Car, « on se heurte à un vrai coût d’apprentissage et de savoir-faire qu’on avait peut-être sous-estimé. »  

Conduire un projet industriel demande de mettre en place une stratégie

Que faut-il prioriser pour réussir à « réindustrialiser une technologie innovante »? Le magazine L’Usine Nouvelle est allé à la rencontre de plusieurs entreprises, notamment Toopi Organics, Losange, Calyxia mais aussi Skytech et Ecocem. Le passage à l’échelle industrielle nécessite d’être accompagné, entouré par un réseau d’experts, comme l’explique Magali Joëssel, directrice du fonds Sociétés de Projets Industriels (SPI) de Bpifrance. Pour réussir, il ne suffit pas d’avoir « la bonne techno », il faut prendre en compte plusieurs choses en même temps, notamment l’aspect commercialisation, et être « dans l’exécution ». La greentech Sytech créée en 2018 a dû passer par une période de crise pour se renouveler et mettre en place une stratégie industrielle forte, qui lui correspond. Spécialisée dans la « production de polymères techniques recyclés », l’entreprise mise sur les besoins clients mais aussi sur un changement de culture pour se transformer en PME industrielle. Pour Frédéric Delaval, son directeur général recruté en février 2024, « dans l’industrie, on doit faire équipe ». Or, si Sytech « a été monté par des gens brillants », ces derniers n’avaient pas « d’expérience du processus d’industrialisation et étaient habitués à travailler seuls.» C’est pourquoi, le directeur général a opéré un recrutement de profils divers et notamment « issus de la culture start-up ». 

« Innover c’est dur »

Dans un dernier article, le mensuel donne la parole à Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, qualifié de « bras armé de l’Etat pour soutenir l’innovation et les startups industrielles ». Malgré les difficultés constatées et vécues par bon nombre d’entre elles, on ne peut pas parler d’échec de la réindustrialisation, pose Nicolas Dufourcq. Ce taux d’échec fait en quelque sorte partie du jeu, selon lui. « Innover c’est dur », rappelle-t-il, que ce soit en France, en Suède ou ailleurs. Il convient, selon le directeur général de Bpifrance, de ne pas tirer de leçons trop tôt car chaque entreprise est différente. Par ailleurs, si des usines sont en échec, d’autres continuent à se monter, en particulier dans le secteur « du recyclage, du biocontrôle, des biofertilisants ». Sur l’échec d’Ynsect, dont Bpifrance est actionnaire, rappelle L’Usine Nouvelle, Nicolas Dufourcq explique que « les startups industrielles doivent tout apprendre du jour au lendemain ». Il donne aussi sa vision d’une start-up industrielle. C’est « la complexité d’une start-up digitale au cube. Il y a beaucoup de vallées de la mort à franchir. »

A la question, « sait-on encore faire des usines en France ?», il répond qu’à la suite de la désindustrialisation, la France a perdu de nombreux savoir-faire, dont des ingénieurs méthodes, des techniciens mais également des « banquiers habitués à financer l’industrie ». Et d’insister : « Réindustrialiser, c’est rebâtir tout le château de cartes. C’est possible et c’est vital pour la France. » 

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