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« L’industrie, c’est beau et sexy »

Comment donner l’envie d’industrie aux jeunes générations ? Le sujet a été au centre de nombreuses interventions et tables rondes lors de la 7e édition du salon Global Industrie, à Lyon (du 11 au 14 mars). L’événement, l’un des plus importants de France pour l’écosystème industriel a rassemblé dirigeants d’entreprises, exposants, associations, fédérations, acteurs politiques mais aussi professionnels de l’éducation autour de nombreux enjeux auxquels fait face la filière aujourd’hui. Notamment, ceux liés à son attractivité et au recrutement de talents. Si, au troisième trimestre 2024, l’emploi salarié industriel (hors intérim) a été quasi stable, avec plus de 200 emplois d’après l’Insee, les difficultés de recrutement dans la filière persistent.  

Cette année, plus de 8 000 jeunes et demandeurs d’emplois ont pu découvrir l’espace Global Industrie Avenir, dédié aux opportunités d’embauches et de formations dans diverses branches industrielles. Déployé sous forme de parcours, le dispositif a proposé des jobs dating, des échanges avec des chefs d’entreprises industrielles, des sessions de coaching ainsi qu’un panel de démonstrations et d’ateliers autour des métiers, innovations et autres tendances à découvrir dans l’industrie, comme les technologies numériques, la robotique ou l’intelligence artificielle. Objectif : promouvoir la filière industrielle, montrer sa diversité et sa réalité auprès des jeunes générations. 

« L’industrie, c’est innover, optimiser, répondre à des besoins » 
 

À 22 ans, Théo Pelletier et Celio Fidalgo, étudiants en Génie mécanique à l’Ecole nationale d’ingénieurs de Saint-Etienne (ENISE), incarnent cette nouvelle génération d’ingénieurs confrontée aux transformations de l’industrie. Pour les deux jeunes, encore en quête de leur vocation, le salon Global Industrie représente une opportunité unique de découvrir la diversité du secteur, même si l’abondance des stands peut rendre la visite intense. « On a pu voir des choses, mais ça va vite », résume l’étudiant. C’est lors d’un stage de troisième, dans une chaudronnerie, que Théo Pelletier découvre l’industrie, un milieu « qui lui a parlé » puisque sa famille a un peu navigué dans ce secteur. Aujourd’hui, l’étudiant souhaite travailler dans l’industrie mais ne sait pas encore dans quel domaine. « Je me laisse des portes ouvertes ».  

De son côté, Celio Fidalgo aimerait trouver un emploi dans un bureau d’études en conception mécanique, avant d’évoluer vers la gestion de projets, voire le conseil en fin de carrière. A ses yeux, l’industrie est une activité qui consiste à « innover, optimiser, répondre à des besoins, améliorer la qualité de notre vie ». Elle doit aussi répondre aux enjeux actuels selon l’étudiant. « Aujourd’hui, faire attention à l’environnement, c’est le principe même de l’ingénieur. C’est un enjeu principal, même si certains ne seront pas d’accord ».  

L’industrie, une aventure qui se transmet 

Déployé au cœur du salon, le temps fort Jour Bleu organisé mercredi 12 mars par le collectif La French Fab en partenariat avec Bpifrance et Global Industrie, aura également mis en lumière l’importance de la transmission des savoir-faire, des compétences et des valeurs au sein d’une industrie française pouvant être cloisonnée. A l’occasion de la conférence « L’industrie, ça se transmet », Hélory Giret, ingénieur chez Sodistra, entreprise industrielle spécialisée dans le traitement d’air sur mesure, et en CDI depuis deux ans, est venu partager son expérience et sa découverte de la filière industrielle. « L’industrie, c’est avant tout des rencontres, des échanges. On apprend en faisant. Un jour, un entrepreneur m’a tendu la main, et ça a tout changé », a-t-il confié. Après le bac, celui qui n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire plus tard a intégré un DUT Génie Mécanique et Productique à Nantes. Son premier stage de dix semaines a été décisif. « J’ai envoyé des candidatures un peu au hasard et j’ai atterri chez Sodistra. Très vite, on m’a confié des responsabilités, on m’a fait confiance ». Un état d’esprit qui a donné envie à l’étudiant de poursuivre ses études et d’aller jusqu’en école d’ingénieur, en particulier grâce aux conseils de ses mentors, notamment du PDG de la société, Erwan Coatanéa.  

De gauche à droite : Hélory Giret, ingénieur chez Sodistra, Erwan Coatanéa, dirigeant de Sodistra et Damien Marc, PDG de JPB Système et Keyprod, lors de Jour Bleu, mercredi 12 mars

 

Pour ce dernier, qui a également participé à la table ronde aux côtés de Damien Marc, à la tête de l’entreprise JPB Système et Keyprod « la transmission dans l’industrie n’est pas qu’une question de jeunes. Il faut trouver le binôme. C’est-à-dire, quelqu’un qui a envie de transmettre et un autre qui a envie d’apprendre ». Un constat partagé par le PDG de JPB Système, Damien Marc qui a également partagé sa propre expérience de dirigeant « tombé par hasard dans l’industrie ». Il a par exemple expliqué comment il s’est battu à l’âge de 24 ans, pour reprendre les rênes de la boîte de son père, alors décédé. Le chef d’entreprise qui « prend du temps dans son agenda » pour accueillir très fréquemment des jeunes de tous âges et tous cursus a aussi rappelé que ces actions sont de « belles victoires, surtout quand on arrive à vraiment intéresser les jeunes. J’aurais aimé qu’on me dise que l’industrie, c’était quelque chose de beau, quelque chose de sexy, un monde où on peut faire de la mécanique, de l’électronique, de l’informatique. C’est très tôt que ces graines se plantent », a-t-il ajouté.  

« Dans l’industrie, il y a de la place pour tout le monde » 

Rapprocher les jeunes de l’industrie, cela est également possible via des compétitions internationales. L’association Robotique FIRST France lancée en 2022 a importé en France, la compétition internationale de robotique First. Pendant un an, les jeunes participants âgés de 12 à 18 ans construisent un robot complexe sous la tutelle d’ingénieurs, de dirigeants industriels et d’entreprises locales, dans un esprit de diversité sociale et territoriale. Ce samedi 22 mars, la finale nationale – Défi Robotique 2025 – aura lieu à Lyon. La finale mondiale envoie les meilleurs jeunes aux Etats-Unis, à Houston, dans le Texas, pour les championnats du monde (du 16 au 19 avril).

L’association privilégie une relation directe entre jeunes et industriels. « Plutôt que d’attendre que les industriels aillent vers les jeunes, l’association leur permet de travailler directement sur des process industriels dès l’âge de 12 ans », a avancé Alice Malliard, vice-présidente et cofondatrice de la structure. Le but est de familiariser le plus tôt possible, ces potentiels futurs talents de l’industrie aux métiers et techniques afin de « leur donner envie d’intégrer des écoles d’ingénieurs ou des filières technologiques ». En trois ans et demi, l’association est passée d’une seule équipe à 90, de 15 à 1 500 jeunes, et d’un budget de 10 000 à 480 000 euros. Une initiative qui passe aussi par l’inclusion, des jeunes filles en particulier. « Depuis 2022, on est passés de 21 % à 27 % de jeunes filles, on ne lâche rien », a affirmé Alice de Malliard, convaincue que l’industrie de demain doit se construire avec toutes les générations et en commençant par « éduquer les jeunes à s’intéresser à ces métiers-là ainsi qu’aux entreprises ».  

Avec les Worldskills, Johan Ruben, 21 ans, a pu découvrir différentes facettes de l’industrie. Lors du concours 2024, l’alternant en ingénierie BTP remporte la médaille d’or dans sa discipline, la construction digitale. Devenu ambassadeur, il s’est exprimé à l’occasion de Global Industrie sur l’image d’une filière très souvent cantonnée aux « usines et au travail à la chaîne. On n’imagine pas la diversité des métiers derrière. Il faut aller chercher les jeunes le plus tôt possible et leur montrer toutes les opportunités ». Aujourd’hui, son objectif reste simple : obtenir son diplôme et poursuivre dans la modélisation 3D et le management de projets, un domaine qui lui convient parfaitement. Son message aux jeunes ? « Se donner les moyens d’aller vers des métiers moins connus et découvrir que l’industrie a de la place pour tout le monde. » 

 

Industrie : « Il faut que nos aînés acceptent de passer la relève » 

Présentes mercredi 12 mars à Global Industrie, Lysana et Manuela, étudiantes en génie mécanique à l’Ecole nationale d’ingénieurs de Saint-Etienne (ENISE), incarnent une nouvelle génération de jeunes femmes prêtes à s’insérer sur le marché de l’industrie. Toutes deux ont commencé leurs études au Cameroun avant d’intégrer l’ENISE à la rentrée 2024 grâce à une bourse de mobilité facilitée par l’association La Fac.  

Lysana, 23 ans, a d’abord obtenu une licence en génie mécanique avant de s’orienter vers le génie sensoriel. Son intérêt pour les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle l’a conduite à explorer un domaine où la technologie façonne l’industrie de demain. « Ce salon est une belle opportunité pour affiner mon projet professionnel », confie-t-elle, consciente du vaste terrain que représente le secteur industriel. Manuela, 22 ans, s’interroge sur l’origine et le processus de fabrication des produits du quotidien depuis toute petite et ambitionne de devenir ingénieure d’affaires.  A ses yeux, « il existe un mythe autour de l’industrie et des jeunes. Les plus âgés hésitent à nous faire confiance alors que nous aimerions bien être sous leur tutorat, qu’ils nous apprennent leur travail car nous sommes formés pour ça. Il faut que nos aînés acceptent de passer la relève ». Un constat encore plus marqué pour les femmes, souvent sous-représentées dans ce domaine perçu comme physique, notamment en Afrique, selon la jeune femme. « On a tendance à dire que le domaine industriel, c’est plus un milieu d’hommes, c’est très physique alors qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de travail physique. Il suffit d’ouvrir son esprit et de se dire qu’on peut le faire. »  
 
Leur vision de l’industrie en quelques mots : Pour Lysana « innovation et ingénierie ». Pour Manuela : « innovation, challenge, futur ». Deux regards résolument tournés vers l’avenir. 

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